Livestock Research for Rural Development 23 (4) 2011 Notes to Authors LRRD Newsletter

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Ingestion, digestibilité et croissance pondérale chez les cricétomes (Cricetomys gambianus) alimentés avec un concentré à base de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala

T J Dougnon, B A Aboh* et T M Kpodékon

Laboratoire de Recherches en Biologie Appliquée (LARBA), Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC),
01 BP 2009 Cotonou, Bénin
dougnonj@yahoo.fr
* Laboratoire des Recherches Zootechnique, Vétérinaire et Halieutique (LRZVH), Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB),
01 BP 884 Cotonou, Bénin

Résumé

L’objectif de la présente étude est de valoriser les fourrages de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala comme source de protéines dans le concentré en granulés pour alimenter les cricétomes (Cricetomys gambianus) élevés en captivité étroite. Au total, 24 cricétomes  mâles en croissance dont le poids vif moyen est de 316±9,5 g, répartis en trois lots de huit ont été utilisés. L’expérimentation a duré 94 jours. Les résultats indiquent que la consommation moyenne des concentrés en granulés chez les cricétomes représente 5,2 % de leur poids vif . La digestibilité alimentaire varie de 57,4 à 62,8 %. Le gain de poids vif est meilleur chez les cricétomes nourris avec le concentré à base de Moringa oleifera (5,5 g/j). Les indices de consommation moyens enregistrés ne présentent pas de différences significatives (valeur cependant plus faible chez les cricétomes au régime alimentaire à base de Moringa oleifera). Il ressort que l’incorporation de Moringa oleifera ou de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala dans le concentré en granulés présentent des avantages zootechniques pour l’élevage de cricétomes en captivité étroite. Cette technologie pourrait être testée chez les éleveurs.

Mots-clés: Aliment en granulé, élevage en captivité étroite, engraissement, indice de consommation, source de protéine



Feed intake, digestibility and live weight performance of cricetome (Cricetomys gambianus) fed a concentrate containing Moringa oleifera and Leucaena leucocephala (Benin)

Abstract

The aims of this study is to develop fodder of Moringa oleifera and Leucaena leucocephala as proteins source in the concentrate in pellets to feed cricétomes (Cricetomys gambianus) reared in narrow captivity. Almost, 24 growing male cricétomes with 316±9.5g average live weights, grouped into three batches of eight were used. The experimentation lasted of 94 days. The results indicate that the average consumption of the concentrates in pellet represents 5.2 % of the live weight. Feed digestibility varying from 57.4 to 62.8 %. The live weight gain of cricétomes is better with concentrate containing Moringa oleifera (5.5 g/j). The average consumption index recorded do not present significant differences (value however lower with cricétomes that diet containing Moringa oleifera). It arises, that the incorporation of Moringa oleifera or of Moringa oleifera and Leucaena leucocephala in the concentrate in pellets presents high performance for the breeding of cricétomes in narrow captivity. This technology could be tested by the breeders.

Keywords: Feed in pellet Narrow captivity rearing, fattening, feed intake index, source of protein


Introduction

Le nombre de personnes vivant en zone urbaine va atteindre cinq milliards avec des villes dont plus de la moitié des habitants vivront en dessous du seuil de la pauvreté. En réponse à cet accroissement démographique, l’une des alternatives pour le développement de l’agriculture sera basée sur l’accroissement de productions telles que le maraîchage, le petit élevage et la pisciculture (Moustier 1998). A cet effet, les possibilités offertes par l’exploitation de la faune sauvage africaine sont sans doute inestimables et très impressionnantes. Le gibier constitue une importante source de protéines en Afrique au Sud du Sahara (Codjia et Assogbadjo 2004). Force est de constater que les cricétomes figurent parmi les animaux les plus chassés de l’Afrique de l’Ouest (Codjia et Heymans 1988b). D’une manière générale, partout où ces rongeurs se trouvent naturellement, leur viande joue un rôle important dans l’alimentation des autochtones. Malheureusement, suite à la poussée démographique, les populations d’animaux sauvages sont de plus en plus décimées par la surexploitation et la destruction de leur habitat. Ainsi, il apparait opportun d’étudier les perspectives économiques de l’élevage de ces rongeurs en captivité en utilisant des ressources alimentaires disponibles localement : deux arbres fourragers sont utilisés dans cette étude : Moringa oleifera et Leucaena leucocephala.

 

Moringa oleifera est un arbre à usage multiple dont les feuilles sont bien appétées par les ruminants et la volaille à cause de sa teneur élevée en protéines et en minéraux (Foidl et al 2001). De même, les normes d’utilisation de Leucaena leucocephala dans l’alimentation animale ont été signalées (Atawodi et al 2008). Toutefois, l’utilisation de ces ligneux fourragers  chez les cricétones est peu documentée.

Ainsi, la présente étude a été initiée pour déterminer l’effet de l’utilisation des feuilles de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala comme sources de protéines sur la croissance pondérale de Cricetomys gambianus.

 

Matériel et méthodes 

Composition des rations alimentaires

 

L’étude a été conduite à l’Université d’Abomey-Calavi. Les feuilles fraîches de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala sont récoltées dans le milieu d’étude et ses environs. Ces feuilles sont ensuite séchées sur un aire de séchage à la température ambiante de 27 à 30°C jusqu’à perdre 80 à 85 % de leur humidité au bout de 5 à 10 jours. Les brindilles sont ensuite retirées afin d’obtenir les folioles sèches qui sont passées au broyeur pour être réduites en poudre.

 

La poudre de Moringa oleifera et / ou de Leucaena leucocephala a été mélangée à d’autres ingrédients et introduite dans une mélangeuse puis agglomérée à travers les filières d’une presse à granuler. A la fin, des granulés de 2,5 à 5 mm de diamètre et 5 à 8 mm de longueur sont obtenus. Trois types de ration en granulés à base de Moringa oleifera (GM), de Leucaena leucocephala (GL), et de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala (GML) (Tableau 1). Les légumineuses arbustives Moringa oleifera et Leucaena leucocephala utilisées pour l’essai, sont des espèces adaptées à plusieurs zones agro-écologiques du Bénin et sont présentes dans les exploitations agricoles. Les teneurs des granulés en matière sèche, en matière azotée totale et en cendre ont été déterminées au Laboratoire des Sciences du sol, Eau et Environnement (LSSEE) de l’Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB).

Tableau 1.  Composition centésimale des rations alimentaires expérimentales

Ingrédients alimentaires

Types de ration

GM

GL

GML

Feuilles de Moringa oleifera

40

-

20

Feuilles de Leucaena leucocephala

-

40

20

Poudre de manioc

12

12

12

Son de maïs

12

12

12

Son de blé

15

15

15

Tourteaux palmistes

15,6

15,6

15,6

Sel de cuisine

2,4

2,4

2,4

Coquilles d’huître

3

3

3

Total

100

100

100

GM : ration alimentaire en granulé à base de Moringa oleifera

GL : ration alimentaire en granulé à base de Leucaena leucocephala

GML : ration alimentaire en granulé à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala

Origine, contention et engraissement des cricétomes

 

Les cricétomes expérimentaux ont été capturés dans la zone forestière de Zogbodomey (Département du Zou). Le poids vif moyen est d’environ 316±9,5 g au début de l’expérimentation. La contention des cricétomes est conforme aux recommandations de Malekani (2001). Le manipulateur muni de gants saisit l’animal par la queue. Il maintient l’animal en position verticale, la tête tournée vers le sol pour le déséquilibrer. Pour immobiliser l’animal, ce dernier est ensuite saisi délicatement au niveau du cou sans exercer trop de pression sur le cou au risque de l’étouffer. Pour la pesée, le cricétome est mis dans un saccule. Les cricétomes, dès leur arrivée sur le site expérimental sont déposés dans des cages individuelles pour une adaptation en captivité étroite pendant 14 jours.

 

Le comportement des cricétomes a été observé directement tout au long de l’expérimentation. Chaque jour, l’attitude des animaux, leur relation avec le nouveau cadre de vie et les hommes, leur comportement alimentaire ont été observés et enregistrés régulièrement.

 

Un effectif de 24 cricétomes a été utilisé pour l’essai d’engraissement. Le poids vif corporel des animaux variait de 101 à 432 g au début de l’expérimentation. Les animaux ont été répartis en trois lots homogènes de huit cricétomes sur la base de leur poids vif corporel. Ils ont été disposés dans les cages individuelles (50 cm de longueur, 40 cm de largeur et 40 cm de hauteur) munies d’une mangeoire et d’un abreuvoir. Chaque lot d’animaux a été affecté au hasard à une ration expérimentale. Chaque animal a reçu quotidiennement 35 g à 40 g de granulés. L’expérimentation a duré 84 jours. Les animaux ont été pesés tous les 14 jours. Le point sur la quantité de chacun des aliments servis et de chacun des aliments rejetés a été réalisé tous les 14 jours.  La matière sèche a été déterminée sur les échantillons des aliments servis et refusés tous les 14 jours. Du point de vue entretien, les cages sont nettoyées quotidiennement. Les excréments solides et liquides sont enlevés ainsi que les aliments moisis. L’eau des abreuvoirs est renouvelée chaque jour. Au cours de l’expérimentation, aucun traitement sanitaire n’a été effectué sur les animaux.

 

Evaluation de la digestibilité

 

L’essai de digestibilité a démarré le 42ème jour après l’essai d’engraissement. Douze cricétomes, de poids vif corporel moyen de 508±75,53 g  au démarrage de l’essai ont été suivis. Les animaux ont été pris dans le lot des 24 et répartis en trois lots homogènes de quatre cricétomes sur la base de leurs poids vifs corporels. Ils ont été disposés dans des cages de digestibilité individuelles de 75 cm de longueur, 46 cm de largeur et 30 cm de hauteur. Les cages individuelles sont munies d’un système de récupération d’aliments gaspillés et de crottes. Ces cages sont aussi munies d’une mangeoire et d’un abreuvoir.  Chaque lot d'animaux a été affecté au hasard à l'une des trois rations alimentaires. L’expérimentation a duré 10 jours après 10 jours d’adaptation alimentaire. Un échantillon de 40 g d’aliments servis, d’aliments rejetés et de crottes a été prélevé quotidiennement. Les aliments proposés et refusés, ainsi que les crottes ont été enregistrés par animal et par jour afin de déterminer l'ingestion et la digestibilité apparente de matière sèche. Les cricétomes ont été pesés au début et à la fin de l'essai.

 

Analyse de laboratoire

 

Des échantillons d’aliments proposés, refusés et de crottes ont été prélevés quotidiennement et séchés à l’étuve à 80°C jusqu’à poids constant pour déterminer la matière sèche. Ils ont été ensuite broyés à l’aide d’un moulin à rotor muni d’un tamis de 1mm de diamètre. La matière minérale a été déterminée par incinération. Le dosage de l’azote a été fait par la méthode Kjeldhal (A.O.A.C. 1990). L’azote dosé a été multiplié par 6,25 pour calculer la matière azotée totale (MAT).

 

Analyse statistique

 

Les données ont été soumises à l’analyse de variance sous le logiciel Statistica 6.0 (1998). En cas de différence significative, le test de Student Newman-Keuls a été utilisé pour séparer les groupes homogènes en fonction des rations alimentaires.

 

Résultats 

Description du comportement des cricétomes en captivité étroite

 

Au cours de l’adaptation à la vie en captivité étroite, les cricétomes ont manifesté une forte agressivité et une volonté ferme de s’évader en s’agrippant sans cesse aux mailles des cages. Ils sont restés aussi très éveillés et réagissaient spontanément au moindre contact ou bruit. Cette phase est marquée par une forte agitation des cricétomes. Après 30 jours de vie en captivité, les animaux sont devenus progressivement moins agressifs et peu agités. En dehors des moments de consommation alimentaire, les cricétomes passent la majeure partie de la journée au repos. Ils se sont familiarisés avec l’environnement de la cage et réagissent moins violemment au toucher.

 

Les cricétomes ont manifesté de la réticence vis-à-vis des aliments servis pendant les 3 premiers jours avec une consommation timide des aliments. Le regain d’appétit alimentaire s’est fait ressentir avec le temps. Ainsi, juste après le service d’aliment, les cricétomes prélèvent les granulés avec la bouche et les doigts pour remplir les abajoues avant de commencer par mâcher.

 

Composition chimique des rations

 

La composition chimique des rations servies aux cricétomes est présentée dans le Tableau 2. L’analyse des résultats montre que le taux de matière sèche est similaire pour les différentes rations alimentaires. La teneur en matière azotée totale a varié de 17,69 à 19 % pour ces rations alimentaires avec une tendance élevée pour la ration à base de Leucaena leucocephala.

Tableau 2.  Teneur en matière sèche (MS), matière azotée totale (MAT) et cendre totale (MM) dans les aliments servis

Types de ration alimentaire en granulés

MS, %

MAT, %

MM, %

Granulé à base de Moringa oleifera

92,2

17,69

9

Granulé à base de  Leucaena leucocephala

95,9

19,00

8

Granulé à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala

93,9

18,06

9

Essai d’engraissement des cricétomes

 

Consommation journalière d’aliments

 

La consommation journalière d’aliments a varié de 19,2 à 32,8 g MS chez les cricétomes (Tableau 3). Cette consommation est plus élevée (P < 0,01) pour la ration alimentaire à base de Moringa oleifera durant les différentes périodes d’évaluation. Elle est suivie de la ration alimentaire à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala. La consommation des différentes rations alimentaires a augmenté progressivement dans le temps. La consommation moyenne chez les cricétomes est de 4,9 % ; 5,1 % et 5,6 % de leur poids vif corporel respectivement pour les rations alimentaires à base de Leucaena leucocephala, de Moringa oleifera et de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala. Les résultats n’indiquent pas de différence significative (P > 0,05) du point de vue consommation des différents types rations alimentaires.

Tableau 3.  Variation de la consommation journalière d’aliments granulés (g/j) chez les cricétomes

Types de rations

alimentaires

Période d’évaluation, jours

]0-14]

]14-28]

]28-42]

]42-56]

]56-70]

]70-84]

GM

28,4 a

26,2  a

26,4  a

27,2  a

30,2   a

32,8 a

GL

19,2 c

19,6 b

22,2  b

23,0   b

24,8 c

25,8  c

GML

23,0 b

24,8  a

26,6  a

27,0   a

27,2  b

30,0  b

P

***

***

**

****

****

****

GM : ration alimentaire en granulé à base de Moringa oleifera

GL : ration alimentaire en granulé à base de Leucaena leucocephala

GML : ration alimentaire en granulé à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala

Les valeurs suivies des lettres différentes (a, b, c) dans la même colonne sont significativement différentes.

****  = p < 0.0001 ; *** = p < 0.001 ;  ** = p < 0,01 ; P = seuil de signification de probabilité de 5 %.

Evolution pondérale des cricétomes

 

La Figure 1 illustre l’évolution des poids vifs corporels des animaux au cours de l’essai d’engraissement.

GM : aliment granulé à base de Moringa oleifera

GL : aliment granulé à base de Leucaena leucocephala

GML : aliment granulé à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala

Pi : Poids initial

Les valeurs suivies des lettres différentes (a, b) dans la même période sont significativement différentes.

p < 0,05 avec P = seuil de signification de probabilité de 5 %


Figure 1.  Evolution de la croissance pondérale chez les cricétomes

Du début de l’expérimentation jusqu’au 42ème jour, aucune différence significative n’a été observée au niveau des moyennes de poids vifs des animaux nourris aux différentes rations alimentaires. Mais, à partir du 43ème jour jusqu’au 84ème jour d’alimentation, la ration à base de Moringa oleifera a induit un poids vif significativement élevé (P<0,05) chez les cricétomes. Cette ration alimentaire est suivie de celle à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala.

 

Gain moyen quotidien et indice de consommation

 

Au cours de l’expérimentation, les résultats ont montré que la moyenne du gain de poids moyen quotidien est meilleure (p < 0,01) chez les cricétomes dont la ration alimentaire est à base de Moringa oleifera (5,5 g/j) (tableau 4). Ils sont suivis de ceux dont la ration alimentaire est à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala (4,6 g/j).

 

L’analyse des résultats a montré que les indices de consommation moyens enregistrés au cours de l’expérimentation ont varié de 5,2 à 6,3 (Tableau 4). Ces indices de consommation sont similaires (P > 0,05) pour les différentes rations alimentaires expérimentales avec une tendance faible pour la ration alimentaire à base de Moringa oleifera.

Tableau 4.  Gain moyen quotidien (g/j) et indice de consommation (kg MS / kg PV) chez les cricétomes nourris avec des rations alimentaires en granulés

Types de rations alimentaires

Gain moyen

quotidien

Indice de consommation

Granulé à base de Moringa oleifera

5,5 a

5,2 a

Granulé à base de Leucaena leucocephala

3,9 bc

6,3 a

Granulé à base de Moringa oleifera et  Leucaena leucocephala

4,6 ab

5,8 a

P

**

ns

Les valeurs suivies des lettres différentes (a, b, c) dans la même colonne sont significativement différentes

** = p < 0,01 ; p = seuil de signification de probabilité de 5 % ; ns = non significative

Mortalité des cricétomes

 

Au cours de l’expérimentation, sur les 8 cricétomes nourris avec la ration alimentaire à base Leucaena leucocephala, 3 sont morts  (37,5 %). Les mortalités ont été enregistrées  au cours des 18 premiers jours d’alimentation. Cette mortalité dans le lot GL a entrainé une variation importante du poids moyen de ce lot, le rendant « hétérogène » par rapport aux 2 autres lots. Aucune mortalité n’a été enregistrée chez les cricétomes soumis aux autres régimes alimentaires.

 

Ingestion et digestibilité apparente de matière sèche

 

Les ingestions alimentaires ont variées de 23,5 à 26,2 g MS / j. Cette ingestion alimentaire est plus élevée chez les cricétomes nourris avec la ration à base de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala. L’analyse des résultats de digestibilité montre que le taux de digestibilité de MS des aliments a varié de 57,34 à 62,84 % chez les cricétomes (Tableau 5). Ce taux de digestibilité est significativement plus élevé (P<0,05) pour les rations alimentaires à base de Moringa oleifera et à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala que pour la ration à base de Leucaena leucocephala.

 

La production journalière de crottes est significativement plus élevée (P < 0,05) chez les cricétomes dont la ration alimentaire est à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala (10,02 g MS / j) et à base de Leucaena leucocephala (9,97 g MS / j) que pour la ration à base de Moringa oleifera.

Tableau 5.  Ingestion et digestibilité apparente de la matière sèche d’aliments granulés à base de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala et production de crottes chez les cricétomes

Types d’aliments

Ingéré, g MS/j

Digéré, g MS/j

CUD MS, %

Crotte, g MS/j

Granulé à base de Moringa oleifera

23,80   b

15,10  ab

62,84  a

8,7 b

Granulé à base de Leucaena leucocephala

23,55   b

13,72  bc

57,34  b

9,97 a

Granulé à base de Moringa oleifera et

Leucaena leucocephala

26,22   a

16,20  a

61,38  a

10,02 a

P

*

*

*

*

CUD % : Coefficient d’Utilisation Digestive exprimé en pourcentage

Les valeurs suivies des lettres différentes (a, b, c) dans la même colonne sont significativement différentes.

* = p < 0,05 avec P = seuil de signification de probabilité de 5 %.

Discussions 

Elevage du cricétome en captivité étroite

 

Dans la zone d’étude, les habitats naturels des cricétomes (Cricetomys gambianus) sont les forêts, les plantations d’arbre et les champs (Codjia et Assogbadjo 2004). A notre connaissance, très peu de recherches se sont intéressées à la domestication des cricétomes au Bénin (Codjia et Heymans 1988a). Par contre dans la sous région, plusieurs travaux ont été réalisés sur l’espèce en République Démocratique du Congo notamment en ce qui concerne les parasites gastro-intestinaux et les facteurs favorisant la reproduction en captivité de l’espèce (Bobe et Mabela 1997, Malekani 1998, Malekani et al 2002). Du point de vue zootechnique, les objectifs de la domestication concernent essentiellement la production. Les travaux effectués révèlent que les infrastructures d’élevage, les conditions d’élevage, les manipulations et les caresses des individus ont influé la diminution précoce de l’agressivité et ont favorisé le développement des cricétomes élevés en captivité étroite ce qui nous amène à venir à la même conclusion que d’autres auteurs qui ont indiqué que les cricétomes s’adaptent facilement à l’élevage en captivité étroite (Anizoba 1982).

L’expérience a montré que la production de la faune sauvage est une forme réalisable et viable en Afrique, qu’il s’agisse de gérer les animaux à l’état naturel dans des aires protégées, comme populations sauvages, ou dans des élevages extensifs ou intensifs comme espèces domestiques (Ntiamoa-Baidu 1998). L’exemple de l’élevage d’aulacode (Thryonomys swinderianus) à petite échelle en milieu périurbain et rural, a prouvé son efficacité au Bénin avec un risque faible et un revenu immédiat (Mensah et al 1992 et Mensah 2006). Il est alors possible que dans les zones où la consommation de cricétomes est importante, son élevage pourrait fournir en peu de temps un nombre important d'animaux sur le marché.

 

Ingestion, digestibilité et croissance pondérale du cricétome

 

Au Bénin, l’alimentation des petits mammifères avec des aliments granulés est récente et concerne particulièrement le lapin (Kpodékon et al 1998). Cette étude rapporte pour la première fois la possibilité d’alimenter les cricétomes élevé en captivité étroite à partir de concentré en granulé à base de Moringa oleifera et de Leucaena leucocephala sans apport de fourrage en nature. La forme de présentation en granulé semble bien correspondre au comportement alimentaire du cricétome.

 

L’espèce animale a un régime végétarien à tendance omnivore, et est donc par conséquent facile à nourrir en captivité étroite (Malekani 2001). L’auteur indique une gamme d’ingrédients alimentaires à utiliser chez le cricétome. A cet effet, il suggère que le taux de protéines du concentré spécial à utiliser en complément chez le cricétome devrait varier entre 13 à 24 % en fonction du stade physiologique. . Les rations expérimentales de cette étude contiennent 62,5 % des ingrédients de la formule alimentaire du concentré alimentaire proposé pour le cricétome par Malekani (2001). Par ailleurs, les teneurs en matière azotée totale (MAT) des rations expérimentales se situent dans les normes rapportées par cet auteur. Ce taux de protéines des rations expérimentales sont similaires à ceux vulgarisés pour les concentrés de lapin (18 %) au Bénin (Kpodékon et al 1998).

 

Les résultats révèlent que la consommation moyenne de concentré en granulés est de 5 % du poids vifs chez le cricétome élevé en captivité étroite. Ce résultat est d’une importance capitale pour l’élevage commercial car son utilisation permettrait aux éleveurs de rationaliser l’alimentation et d’éviter les gaspillages.

 

Le granulé à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala est plus consommés et mieux digérés. Ce résultat traduit une bonne appétence de cette ration. Toutefois, le granulé à base Moringa oleifera est peu consommée, mais aussi bien digérée que le granulé à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala. Par ailleurs, en ce qui concerne la croissance pondérale, les gains moyens quotidiens sont élevés avec une tendance de faible indice de consommation (cependant sans qu’une différence significative puisse être démontrée dans cet essai)  chez le cricétome nourri avec la ration à base de Moringa oleifera suivi de celle à base de  Moringa oleifera et Leucaena leucocephala. Cette différence observée serait due à l’effet de la qualité nutritionnelle de Moringa oleifera, de l’absence de substance toxique dans cette espèce végétale et de son utilisation efficace par les cricétomes. En effet les feuilles de Moringa oleifera sont riches, en minéraux, en vitamines A, B, C et E et surtout en protéines avec huit amino-acides essentiels (Foidl et al 2001 ; Odeyinka et al 2008). Par contre, bien que la teneur en MAT soit élevée dans Leucaena leucoceaphala (26,3 %) (Jones 1979), l’espèce contient 2,5 à 5,75 %  de mimosine, un acide aminé toxique pour les non-ruminants (Yeung et al 2002). Ces auteurs ont indiqué que la toxicité intervient lorsque la proportion de Leucaena leucoceaphala dépasse 30 % dans la ration alimentaire. C’est probablement ce qui justifie les cas de mortalité enregistrés uniquement dans le lot de cricétomes au régime alimentaire à base de Leucaena leucocephala. La variation pondérale observée entre les lots expérimentaux suite aux mortalités enregistrées dans le lot au régime à base de Leucaena leucocephala à affecté le gain de poids des cricétomes. Ce qui justifierait la faible différence significative entre le lot des cricétomes aux régimes alimentaires à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala et le lot au régime alimentaire à base de Leucaena leucocephala. Toutefois, le fait que les cas de mortalité soient enregistrés au début de l’expérimentation chez les jeunes cricétomes dont les poids vifs varient de 107 à 160 g indiquerait que cette catégorie de cricétomes ne supporte pas la proportion de 40 % de Leucaena leucocephala dans la ration. Cependant, il est important d’approfondir cette hypothèse et de tester le taux de 30 % de Leucaena leucocephala dans la ration du cricétome adulte notamment en matière de reproduction afin de tirer des conclusions fiables. Le taux de mortalité (0 %) obtenu chez les cricétomes aux régimes alimentaires à base de Moringa oleifera et de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala semble meilleur que celui signalé chez l’aulacode (34,8%) au début de la domestication par Yewadan et Schrage (1992).

 

L’expérimentation a montré que les cricétomes en captivité étroite apprécient l’aliment à base de Moringa oleifera comme celui à base de Leucaena leucocephala . Ce qui amène à venir à la même conclusion que certains auteurs qui ont rapporté que Moringa oleifera est apprécié par les animaux domestiques (Odeyinka et al 2008). Les gains moyens quotidiens obtenus chez le cricétome au cours de l’expérimentation sont faibles en comparaison à ceux obtenus par Yewadan  et Schrage (1992) chez l’aulacode élevé en captivité étroite (6,9 à 9,7 g/j) au début de la domestication au Bénin. Cette différence de gain de poids serait d’ordre génétique et non d’origine alimentaire. En effet le poids vif d’abatage des aulacodes (4 à 6 kg) (Mensah et al 1992) est plus élevé que celui de Cricetomys gambianus qui est de l’ordre de 880 à 1020 g (Wetsi et al 1988). La variation pondérale observée entre les lots expérimentaux suite aux mortalités enregistrées dans le lot au régime GL à affecté le gain de poids des cricétomes. Ce qui justifierait la faible différence significative entre le lot des cricétomes aux régimes alimentaires à base de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala et le lot au régime alimentaire à base de Leucaena leucocephala.

 

Conclusion 

Cette étude a permis de montrer que les concentrés en granulé à base de Moringa oleifera et de Moringa oleifera et Leucaena leucocephala présentent des avantages zootechniques certains chez Cricetomys gambianus élevé en captivité étroite : absence de toxicité apparente, bonne digestibilité, bonne croissance pondérale et faible indice de consommation.  Ces deux rations peuvent être conseillées aux éleveurs de cricétomes en plus de quelques méthodes de conduite d’élevage adoptées au cours de ces travaux.

 

Concernant l’aspect de la nutrition, nous suggérons de revoir à la baisse la proportion de Leucaena leucocephala séché à inclure dans le concentré en granulé à base de Leucaena leucocephala ou de procéder à une détoxification par une immersion dans l’eau pendant 24 heures (Yeung 2002 et al). Afin de rendre la technologie attractive, il est important d’évaluer son effet sur la reproduction et sa rentabilité financière.

 

Références bibliographiques 

Anizoba M A 1982 Reproductive cycles of the African giant rat (Cricetomys  gambianus Waterhouse) in the wild rodentia. Revue zoologique africaine 96 : 833-840

 

A.O.A.C. 1990 Association of Official Analytical Chemist. Official methods of analysis, 15th edition. Washington D.C USA

 

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Received 20 July 2010; Accepted 30 October 2010; Published 1 April 2011

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